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5 octobre 2011 3 05 /10 /octobre /2011 01:41
Il y a ce souvenir qui ne cesse de me hanter. La plupart du temps, il ne parvient même pas à effleurer mon quotidien. Enfouie parmi une grosse pelote de fils, tous plus gros les uns que les autres, il nage au milieu d'un furieux océan près à s'échouer à n'importe quel moment sur une berge bien accessible. Il réussit toujours me toucher mon attention. D'abord comme une taloche, comme un coup de marteau, puis, comme un murmure, comme si fantôme aurait soudain pris possession de mon corps, comme si la réalité venait brusquement de remonter le temps.

C'était au collège. L'âge ingrat diront certains. Je n'ai sais rien encore - pas assez mûr - mais, certainement pas, le plus tendre. Quand on est collégien, on se sent invincible. La puissante jeunesse qui coule dans ton sang ne cesse de bouillir face à toute tes perceptions du monde. Un monde qui change de plus en plus autour de toi. Des liens se forment entre les apparitions furtives d'un univers encore plus immense. On réfléchit différemment. L'esprit stratégique commence à se former de lui-même. On acquiert un peu plus de force et on sombre dans la mégalomanie. Le regard change, il se fait plus dur, on fortifie ce qu'on a acquit avant de se lancer dans une dimension plus grande. Les conflits éclatent assez vite. Ils sont aussi bien perdus que gagnés, de toute manière, à chaque coups de poing qu'on se mange, on se relève aussitôt pour en redemander. Agressifs, les crocs sont sortis dès le pied gauche posé par-terre. Le corps change, les années d'entraînement sportif font effets. Plus grands, plus rapides, plus vicieux, on apprend à faire mal de différentes manières et, surtout, à encaisser. Puis vient la baffe. Celle qui est inévitable, imprévisible, railleuse. Elle te prend sous la forme qui te touche le plus alors que tu te sens immunisé contre n'importe quoi.

Cours de récré, le lieu principal de tous les affrontements, les jugements, les méfiances et les délices, juste avant la fin de la pause de midi, alors que nous jouions à un foot des plus brutales (le wanagain showfoot dans lequel un cailloux nous servait de ballon un banc en pierre de but et où tous les coups étaient permis) nous voyions arriver près de notre coin attitré une jeune fille à l'air un peu étrange, un air différent. La partie, étant depuis longtemps bien entamée, se met en pause d'elle-même. Nous ne l'avions jamais vu s'aventurer par-ici. Il était nécessaire de la tester, voire ce qu'elle valait pour se placer près de nous, seule. Aujourd'hui, je classifierais cette adolescente comme une âme évasive, touchée par quelque chose que nous ne pouvions ne serait-ce qu'apercevoir. A l'époque, elle était juste bizarre. Elle avait visiblement repris la lecture d'un livre commencé plus tôt dans la journée. Le marque-page était encore assez proche de la couverte et on avait assez de perm's dans ce bahut pour n'avoir qu'effleurer un recueil. Cela était loin de nous arrêter, même si j'avançais déjà avec du recule. Lecteur moi-même, je détestais l'idée de déranger quelqu'un dans cette activité, ô combien rare. Malgré mon ressentiment, je finis par emboîter le pas à mes potes. Nous vînmes rapidement devant cette personne pour se placer en cercle devant elle, méfiants, mais déjà sûrs d'être vainqueurs de la confrontation. Portées par le soleil de midi, nos ombres dessinèrent sur son visage concentré un voile sombre. Nullement gênée par notre présence, la jeune fille n'arrêta sa lecture qu'une fois le premier"hé!" lancé. Aucune surprise. Aucune émotion. Rien. Elle nous regarda tranquillement, comme-ci rien au monde ne pouvait la toucher. Les attaques commencent tout de suite. Ça se picote gentiment avec quelques touches rapides et efficaces. Mais, elles sont balayés d'un geste calme de la main. Du coup, ça se lance sur les plus forts, du plus cruel, ça vise la famille, les amis, les vêtements, le visage, mais rien ne semble faire mouche. Alors, les armes se retournent contre les agresseurs de la manière la plus efficace qui soit : la parole. Nous sommes, uns par uns, charmés. Les fils de la toile s'entrelacent tranquillement autour de nous. Elle finit par nous tenir complètement en son pouvoir. Elle ne lâche rien et nous sonde avec efficacité. De ses lèvres, les mots suivent son regard, portés par magie derrière nos portes les plus intimes. Aucunes barricades ne résistent, aucuns verrous ne survient face à cet assaut d'une vertigineuse puissance. La fuite est le seul échappatoire. On rit jaune, on redresse les épaules avec gaucherie, on écrase une dernière fois la furieuse fourmilière que nous venons d'approcher et nous nous éloignons reprendre la partie qui était commencée. La pause de midi était presque terminée, il fallait réussir à pousser le score un peu plus loin. La cloche finit par sonner, qui a gagné, au final, on s'en fout car, le corps, marqué par quelques coups bien placés, ronronnent de contentement en se dirigeant vers un repos bien mérité. C'est l'esprit qui va devoir travailler maintenant. La journée se termine. Le sac sur les épaules, le court trajet de bus, les derniers saluts à l'arrêt du village - juste devant la mairie, l'église et le panneau jamais à sa place -, puis le portail marron et la chambre remplit de bouquins. Les lumières s'éteignent lorsque les plus belles étoiles montrent le bout de leur nez.


Adolescent, on est vite impressionné par beaucoup de choses. Durant ces années là, ce sont, sans aucun doute, les attentats du 11 septembre qui m'ont le plus touchés. Se débattant dans les ruines du Wall Trade Center détruit, Spiderman pleurait son impuissance face à la nature humaine, alors que de jeunes garçons riaient et rêvaient tout haut d'être amenés en hélicoptère loin du pays qui les rejetait sous le prétexte qu'ils étaient différents. Notre sensibilité s'accrut. Les effluves du vent caressant nos narines possède déjà ses distinctions. Le toucher devient aussi riche qu'un Larousse. Le goût est une cascade d'émotions toutes plus fortes les uns que les autres. Sans s'en rendre compte, nous changeons. C'est fait d'une manière tellement naturelle qui rien n'est surprenant lorsqu'on y repense des années plus tard. On se souvient de tous les noms, toutes les conneries, et les changements deviennent logiques. Le cercle s'élargit toujours plus. On a le coeur tirailler un peu partout, puis notre univers évolue vers un stade plus grand et toujours, toujours ce souvenir revient nous hanter. On ne le comprend pas totalement, comme si un blocage approximatif avait été posé dessus, puis il devient plus clair, et, enfin, tout son sens nous apparaît. Il est trop tard. On s'est déjà enfoncé bien trop loin dedans.

Pour rester humble, il suffit d'être constamment rappeler que vous n'êtes, et ne resterez, qu'un Homme.

 

 

 

 

 

 


http://www.lovethesepics.com/wp-content/uploads/2011/05/Hurricane-Katrina-killed-this-clown.jpg

 

 

 

 

 



Tu vas mourir jeune "
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commentaires

P
<br /> yoyoyo<br /> <br /> <br /> "Il réussit toujours me toucher mon attention."<br /> <br /> <br /> => T'as oublié un truc là :p A reformuler ^^<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> J'ai lus un peu vite dans l'espoir de savoir de qui tu parlais donc je referais une lecture bientôt ^^ (c'était<br /> quiiiiiiiiiiiii ? :p)<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> En tous cas je trouve que quand tu parle de toi ou du moins de choses qui te touchent plus, que tu écris mieux. C'est plus<br /> fluide.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Bisou mon chou<br />
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N
<br /> <br /> Hahaha, ouai, la fameuse phrase non finie xD<br /> <br /> <br /> De personne en particulier, enfin si mais je n'ai aucun nom à mettre sur cette nana. J'l'avais croisé dans les couloirs de la Fac, il y a deux ans, et j'suis resté figé sur place en la regardant<br /> passer, complètement estomaqué ^^ Je ne l'ai jamais revu, même en repassant dans ce couloir aux mêmes horaires.<br /> <br /> <br /> J'essaye toujours d'écrire des trucs de différents bords, mais ne pas être amoureux n'aide pas à réécrire sur l'amour.. Je n'ai que cette étrange fascination pour l'instant.<br /> <br /> <br /> Go, go Prévert :)<br /> <br /> <br /> <br />