"Immobilité. Ce n'est pas être comme la pierre ou l'arbre ; c'est l'état où l'esprit ne s'attache nulle part..."
Paul Ohl [Katana]
Je contemple, les yeux dans le vague, l'étrange profondeur de l'art de vivre. Toutes ces mouvements gravitant autour du même astre, scintillants à la lumière du soleil comme de simples pierres ponces. Les jambes se lèvent et s'abaissent pour permettre à nos pieds de se poser sereinement sur le sol goudronné alors que le rugissement des voitures berce nos pensées vers un état de béatitude indécent. Le goudron, qui brûle mes poumons, me hurle de continuer à dresser cette corde enroulée autour de mon cou. Affiché sur un stand macabre, les joyeuses couleurs de la vie dansent comme des serpents autour d'un pommier, attendant avec fureur que le fruit divin chute afin de l'achever rapidement. J'observe, avec une lenteur taciturne, des vagues semblant se défouler entre des murs gris, à moitié enseveli sous le regard amusé des ténèbres. Dieux du monde souterrain, ils envahissent nos pensées, nos envies et nos doutes tels le plus obscur de tout nos désirs. Consolidés à travers les âges dans les entrailles d'un cycle échappant à l'entendement des mortels, ils suivent avec passion les funestes murmures que soufflent nos esprits étroits. Leurs agents, masques derrière des masques, se régalent de consciences mélodramatiques. Puant, bileux comme des maccabés, ils nous tournent autour, vautours des époques incertaines d'un temps révolu, et nous entraînent dans leurs bras décharnés, putréfiés, pour nous donner une dernière fois, encore et encore, le baiser, visqueux, pernicieux, de la goule. Ô macabres enfants de la destinée, soufflez nous encore une fois le glas monstrueux de la réflexion mortelle ! Sur le macadam funèbre d'un monde élitiste, je gravite inintentionnellement derrière les affres de l'immobilité, moi, sang de mes ancêtres, entravé par les chaînes infernales de mes désirs inassouvis, dernier enfant des guerriers de Belh' ! Suppôts du démon ! Ma folie sanguinaire n'aurait de cesse qu'après avoir écrasé le dernier de vos crânes abominables entre mes mains ! Je serais l'égal de la sagesse la plus primaire, le bras meurtrier d'une violence aussi cruelle que brutale. Je marquerais d'une balafre, sceau magnifique de mon inexorable victoire, chacun de vos morts. Et enfin, alors que votre "dieu" s'agenouillera devant moi pour quémander ma pitié, je me tournerais vers le plus frêle, le plus petit et le plus faible de vos enfants pour lui arracher son coeur et l'offrir au seul et unique dieu reconnu pour sa véritable puissance. Immobile, je détourne mon regard, perdu dans les méandres vertigineuses d'une abîmes terrifiante, et j'offre à mon esprit le surcis d'un tremblement avant de continuer ma route vers les hauteurs incommensurables du Pic de Stoyne. Mon marteau de guerre sur l'épaule, je ne peux m'empêcher de sentir autour de moi le râle mortuaire d'une entité supérieure. Dragons, Trolls et toutes autres créatures mystiques ont depuis longtemps disparus de notre planète, remplacés par les horreurs innomables d'abominations défiant notre plus monstrueuse imagination.